Bertrand Delacroix

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PROEMSES  ET BADINAGES , (un loisir conscrit)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

L’antiquaire

 

     Marquise, oh ma bergère,

     Marquise oh ma douceur,

     Ton pied cassé me désespère,

     Ne persécute pas mon cœur.

 

 

 

Bas de laine

    

     Bas  de laine, bas  de laine,

     Ancêtre des banquiers

     Que tu es pauvre et bête

     Avec tes toiles d’araignées.

 

 

 

 

La bourse

 

     Oh bourse suspend ton vol,

     Et vous cote propice

     Maintenez votre course.

     Laissez nous profiter

     Des furtifs bénéfices

     Des plus hauts de vos cours.

 

 

 

 

La lettre de change.

 

Le PDG :

     Créancier laissez moi le temps.

Le créancier :

Le temps c’est encore de l’argent. Je n’ai pas de temps à perdre.

Le PDG :

Faites au moins la pause café, le temps que je vois mon banquier !

Le créancier :

     Soyez bref.

Le PDG :

Banquier, faites moi crédit, je n’ai pas d’argent mais j’en attends.

Le banquier :

     Crédit se meurt…

Le PDG :

     Je vous donne ma parole.

Le banquier :

La parole est d’argent pour qui a de l’argent. Mais votre belle parole ne vaut pas mon bon argent : les paroles s’envolent et me volent. Seuls les effets restent. Laissez moi vos effets et je vous prête de l’argent.

Le PDG :

     A quel prix me vendez vous le temps ?

Le banquier :

Au prix coûtant naturellement, plus les frais, et enfin j’évalue le service.

Le PDG :

Eh bien me voilà frais, mais j’accepte car le temps m’est compté un prix exorbitant :  celui des frais de justice.

(Puis, s’adressant au créancier)

Mon créancier bien cher je vous paye sur l’heure, que dis je, sur le champ.

Encore un café ?

Le créancier :

Sans façons, non, car j’ai encore quelque affaire avec votre banquier. (il va voir le banquier).

Le banquier :

     Désirez vous monsieur me prêter quelque argent ?

Le créancier :

Vous avez, monsieur, mis le doigt dessus. Mettez la main sur mon argent et m’en servez l’intérêt car je n’en ai point l’emploi pour l’instant/.

 

 

 

 

 

Poème informatique

 

Dédié à l’informaticien à la recherche du bit perdu sur les bords du canal multiple.

 

     Autrefois, tard le soir,

A Maubeuge ou ailleurs,

     Sur un canal banal,

     Quelques virgules flottaient

     Parmi  les nénuphars

     Et devant les baigneurs.

          Sur les berges,

          Quelques unités lentes,

          Ou par couple, flânaient

          A demi mots devisaient

          Ou, dans le journal de bord

          Lisaient entre les lignes.

          Heureux temps du byte mode,

          D’insouciance et de farniente !

          Un temps qui cependant

          Ne manquait pas de caractères.

     Mais flotte la virgule

     Ou pérégrine le bit,

     Le module n’attend pas

     Car le temps va trop vite.

          Dans un grand envol de cycles

          Soudain le progrès vint :

          Sur la base du canal

          Multiple et multiplexe,

Déversant sans complexe

          Toute une foule d’octets

          Dans sa hâte bousculant

          A une nano près,

          Les caractères trop lents

Sous couvert d’over run.

          S’envole le cycle

          Et s’avale l’octet,

          Le canal n’attend pas

Car le temps est trop bref

     Il est venu le temps réel

     Des transports en commun

     Et des files d’attente.

     Sous l’égide vigilante

     Du superviseur appointé,

     Sur la route des codes

     Où pullulent les modules,

     Dans la forêt touffue

     Des ferrites magnétiques,

     Il chasse le bit perdu

Sans collier ECC,

Et c’est tout un programme

Sauf pour les derniers nés

de la gamme.

Il est fini le temps

Du Byte mode,

De l’insouciance

Et du farniente.

Voici venu le temps réel

A la mode, a la mode,

A la mode du burst mode.

          Que flotte la virgule

          Et pérégrine le bit,

          Le module n’attend pas

Car le temps va trop vite.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Or donc voyons vos diplômes

 

Or donc voyons vos diplômes !

     Mes diplômes, messeigneurs,

De  l’amour sont les douceurs,

Solitudes et douleurs.

De la vie sont les ardeurs,

Les envies et les horreurs.

Dites-moi de plus grands maîtres

Que ce qui nous fait connaître

     L’esprit

     Et la poésie

     Des ennuis,

Et des nuits

De la vie.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

On,dé,on,dé…

 

La ville oriente au soleil

Qui l’éveille, sa myriade d’yeux vitrés.

Ils clignent et s’émerveillent,

Du printemps anxieux

Dont le premier sourire d’azur

Point aux lèvres du ciel

Qui hésite à revivre

Un dimanche à  Angers.

 

Soldat, jusqu’à demain,

La patrie est servie.

Hier, On, Dé, On, Dé

Flic et floc

Dans les flaques,

… vous mettrai au pas moi…

Tu as marché au pas,

… vous ai à l’œil moi…

Tu as marché droit,

Obéi

Sous la pluie,

Au doigt et à l’œil.

Tu as rampé

Sous l’ondée,

Grimpé, sauté.

Tout le jour

Sur le parcours

Du combattant

 

Tu as battu de la semelle.

A vos ordres mon officier de semaine !

Et le soir, notre appel,

Debout tard  tu l’as lu.

Un autre l’a rendu.

Vous avez peu  dormi

Jour après jour,

Pas à pas,

Tu as traversé la semaine.

Marche par marche

Tu l’as  gravie

Jusqu‘aujourd’hui.

 

Aujourd’hui

C’est fini.

C’est dimanche à Angers.

Aux  confins de l’hiver

Qui encore errait hier,

Le printemps sautille.

Il s’avance et pétille

Dans son fouillis

De gazouillis

Dont grouillent

Les feuillages,

Où vous êtes dans les nuages

Toi et ta jeune amie.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Seul l’oisif

 

     Seul l’oisif peut savoir

     Car seul il connait l’ennui.

          A quoi bon vivre

          Si c’est pour n’être pas?

          Vivre pour transmettre

          A d’autres le flambeau ?

          D’autres qui n’ont pour but

          Que transmettre à nouveau ?

          Vivre pour que mon fils

          Soit moins mauvais que moi?

          Et quand il le serait ?

         

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Adieu l’Allemagne

 

     Oh doux soir d’été,

     Torpeur veloutée,

La main dans la main,

     Sur les bords du Rhin

          Nous flânions,

          Nous chantions.

 

     Oh beau buste goth

     Teuton et tentant,

Mes vers de vermeil

T’entourent autant,

Ma magique image,

Qu’amant à l’amante

Décoche d’hommages

A l’arôme d’aurore.

 

     Adieu l’Allemagne

     Et tous ses charmes

Voici Paris

Ville de nuit.

L’épais soleil sur la route

A dissipé sans aucun doute

Les vapeurs attrayantes

Des pensées enivrantes.

Et pourtant il demeure

Un halo

Tout là haut

Autour d’une lueur,

Une petite nue

Qui masque la vue,

     Empêche de voir au-delà,

Oblige à voir en deçà,

Qui masque la terre,

     Découvre deux étoiles

Qui brillent dans la nuit

Comme dans un paradis.

     Comme elles illumineraient

     Si elles se rapprochaient.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Navigation à bord d’une portière

 

Le fleuve frissonne,

Le moteur ronronne ,

Le bateau fend l’eau.

L’horizon stationne,

Le ciel bleu moutonne,

Les  rives sourient.

     Le soleil dore.

     Je ne dors pas,

     Je vois et je vis.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Chaos

 

          Dis Maman, l’alerte est finie, pourquoi il ne se relève pas Papa, d’habitude il est toujours le premier debout ?

     Il dort mon chéri.

Ah bon! Dis Maman, pourquoi il bave Papa ?

     Il est malade mon chéri.

Ah bon! Dis Maman, pourquoi il saigne du front Papa ?

     Il est blessé, mon chéri.

Ah bon! Dis Maman pourquoi tu pleures tout bas ?

     Parce qu’il est mort mon fils !

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le mois de Mai des cigales

 

Voici la France aux prises

Avec les grèves surprises,

Dans la tourment

Des grèves tournantes,

Et même tout un tas

De grèves sur le tas.

Voici la France désœuvrée

     Dont les ouvriers

     Pour s’occuper

     Occupent les usines.

Ce beau pays qui est le mien ,

     Le tien, le mien,

Et celui des autres,

La France flâne

Au doux soleil latin

Du mois de juin.

Nous la surprenons pour nos lecteurs

En flagrant délit

De paresse heureuse.    

 

 

 

 

 

 

La nuit

 

 

Non la nuit ne tombe pas et jamais le soleil ne se couche.

C’est moi qui, vers le calme du soir, monte. En été la pente est douce et le chemin est court. A bonds prompts, de motte en motte, je monte. D’un rai au vol le soleil me sourit. Et vif je vis, joyeux de la gaité de l’été.

   La nuit ne tombe pas, non, c’est moi qui gravis le jour.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

A la bouche une fleur

 

     A la bouche une fleur fanée,

     Et au cœur une chanson de gestes désabusés.

       Dans la foule qui rit

       Où est le menu de l’absence ?

       Dans la foule qui crie

       Quand est la minute de silence ?

       Dans la foule qui se défoule

       Quel est l’être nu qui pense ?

     Vous êtes de ceux qui suivent,

     Je suis de ceux qui errent.

       Lorsque roule la houle,

       Que s’écoule la foule,

       J’écoute et résonne,

       Puis m’écarte et raisonne,

            Car mon œil est crevé

            Mais regarde l’aiguille.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Vini vidi vici

 

J’AI venu,

J’AI vu,

J’AI vécu,

Et j’AI reparti

Comme j’AVAIS venu,

Comme on A venu au monde,

Comme on va AU coiffeur :

Vide,

Les mains dans les poches,

L’esprit avide.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

C’est la vie

 

C’est la vie…

C’était écrit dans le ciel.

Mais c’était illisible.

Les nuages, le soleil

En cachaient bien les lignes.

Il fallait le vivre pour le lire.

C’est la vie…

C’est l’avis de monsieur tout le monde.

C'est-à-dire :

C’est l’avis vil de monsieur médiocre.

Car c’était écrit dans le ciel.

Mais ce n’était illisible

Qu’aux yeux des illettrés.

Il ne fallait que savoir voir

Pour pouvoir lire,

Que vouloir lire,

Pour  pouvoir vivre.

 

 

 

 

 

 

 

 

La vie c’est héréditaire

 

La vie c’est héréditaire.

  On nait de père en fils,

  Et même de fille mère.

Oui

La vie c’est héréditaire.

  Qu’importent vos honoraires

  Monsieur le grand notaire !

  Veuillez l’enregistrer

  Monsieur le maire.

  Et si vous ne le faisiez,

  Je n’en serais pas moins né,

  A votre barbe, à votre nez,

  De votre fille aînée.

C’est la vie.

Et la vie,

La vie c’est héréditaire.

  Héréditaire essai gratuit.

  Si l’on n’en use

  Elle ne sert.

  Mais elle s’use si l’on ne s’en sert,

  A l’inverse du contraire

  De ce qu’on dit d’ordinaire.

Oui

La vie c’est héréditaire.

  Merci ma bien  chère mère

  D’avoir pour moi souffert

  Dans les fers.

  Mais qu’y faire ?

C’est la vie,

Et la vie,

La vie c’est héréditaire.

  La mort c’est un don de Dieu.

Mais la vie c’est héréditaire.

On dit :

  La vie est courte.

Oui car,

  Qui vit sa vie

  L’écourte.

  Qui ne la vit

  S’ennuie.

Oui la vie est courte

  Les uns vifs

  La vivent avides.

  D’autres vides

  La subissent passifs.

  Moi je m’y promène

  Aux petits bonheurs

  De  ma chance.

Car si la vie est courte,

Si qui ne la vit s’ennuie,

Si qui la vit l’écourte,

  Moi je m’y promène,

  Et aujourd’hui

  J’ai envie d’aller

  Faire un tour.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La porte s’ouvre

 

 

     La porte s’ouvre. Elle a grincé. Elle est pesante à pousser. Tu parais. Tu hésites et tu entres. Et tu disparais entre mes bras. Tu t’y dissous.

 

     Mais midi sonne, tu m’ébouriffe et tu t’ébroues. Tu nous déchires en deux. Et tu pars  à pas rapides ; tu ouvres la porte. Elle est dure à tirer. Elle a grincé. Toi tu n’as pas hésité. Tu es sortie.

 

     Je ferme la porte, graisse les gonds, et huile l’huis. Elle sera douce à ouvrir quand tu reviendras avec ta boîte de sardines et ta demi-baguette.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

L’oiseau de soleil

 

L’oiseau vif argent dans la solitude grise !

Mon regard étonné, surpris ne se maîtrise.

Cet oiseau du matin, en sa riche insouciance,

A  ouvert une brèche dans mon indifférence.

 

Et soudain la campagne revit et verdoie ;

Je puis n’être plus seul, la vie reprend ses droits :

Car tes boucles graciles s’approchent hardiment,

Tu bats des ailes d’une fraîcheur que j’aime tant.

 

Cependant un voile sombre s’en vient nous séparer.

Des images d’hier dont vibre ton être entier ;

Niches toi dans ma main, blottis toi et y pleures.

 

Chaque goutte me perce d’une douleur ardente.

Mais me revient la force et de chaque goutte augmente.

Il n’est au monde un voile qui n’abrite des fleurs.

 

 

 

 

 

 

 

 

La mare ensoleillée

 

     De la fraiche et frémissante surface où frissonnent des graphismes verts, bizarres et blancs, la calme échappée se faufile, parsemée d’émaux qui scintillent harmonieux entre une touffe mauve et gaie et un arbre aux branches glissantes et soyeuses, un arbre qui pleure ses mèches de feuilles qui ne le veulent pas quitter.

 

      Les douces courbes de ses bords ont de secrets replis que protège le souple voile feuillu qu’elle charme de son ris.

 

      Là bas, baisant son bras ; baignant en elle, se dressent fiers de petits rochers qui soutiennent le vert fouillis qui devant elle s’incline.

 

      Oh vif et joyeux reflet, comme il fait chatoyer au soleil les obscurs recoins du mystère du bosquet.

 

          C’est de cette paisible et pétillante mare ensoleillée que tu rêveras, à l’aurore de ton sommeil, dans mes bras.  Quand tu te réveilleras, approfondie, douce et fragile, tu auras cette joie infinie et tranquille, quand tu te réveilleras  au matin dans mes bras.

 

 

 

 

 

 

 

 

Printemps frais

 

     Printemps frais vif et gai,

     Eté dense de transes et de fièvres

     Morne automne monotone,

     Hiver désincarné, dur, sec et nu,

 

        Toutes saisons, de vide

        Emplissent mon âme avide.

 

     L’eau caresse mon front

     Et s’apaise ma fièvre.

           Le soleil

     Sourit à ma tristesse

     Et se calme mon âme.

           Mais persiste,

           Insensible blessure,

           La secrète retraite

           Que tu as déserté.

 

 

 

 

 

 

 

 

L’automne

 

 

     L’automne allonge ses membres gourds, emmaillotés et feutrés. Les semaines paressent, les jours languissent, les heures sonnent  très en retard, et le vent négligent a encore oublié ce matin de me porter un écho de ta voix.

 

     Quand vrille à mon oreille la trille que visse le colibri dans l’air ferme du matin frais, j’émerge de la vaporeuse pénombre où baigne ton image aux humides contours, et les fibres nostalgiques de mon être incomplet se rappellent combien  vibraient les cordes de nos corps frénétiques.

 

     Je flâne par les monts et les vaux de mon oisiveté et je palpe haletant et peiné l’intense durée de notre éloignement.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

C’est savoureux la vie

 

C’est savoureux la vie.

 

      Vous avez vos amis. J’ai les miens. Nous n’avons rien en commun. Et parce qu’il y avait du soleil, parce que je vous ai souri, parce que je vous étais présenté par votre voisine qui pourtant  ne me connaissait point, parce que j’avais un service à vous demander, parce qu’il faisait beau… parce que vous en aviez envie, vous m’avez souri et vous m’avez dit :

 

    Peut être que non, peut être  bien que oui.

 

 Parce que l’air était serein, parce que c’était le vœu divin, nous avons eu un contact humain !

 

    Oui, c’est savoureux la vie, et dans mon souvenir aujourd’hui, il est fleuri le paysage des hortillonnages de Picardie.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Une fleur

 

 

Sépare du sol

Une fleur gracieuse et fragile.

Elle était vive et gaie,

Elle demeure élégante et gracile.

 

Tranche maintenant

La tige près du calice.

La fleur devient grasse et laide.

La tige est ridicule et vaine.

 

Rejette au loin la tige

Et repose doucement la fleur.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Sable d’or

 

Non, sable d’or,

Blond monotone,

Qui au dehors

Rond, long, ronronne,

Ton beau nom ne m’étonne.

 

Ta panse ronde et dense

Se déverse dans l’anse,

En l’harmonie immense

Des dunes lourdes lasses.

 

Caresse de ta poudre

Qui file de mes doigts,

Fibre insaisissable,

Douce et chaude à la fois !

 

Acide qui crisse

Dans mes ongles rayés,

Billes nettes lisses,

Qui coulent sans mouiller.

 

Non sable d’or,

Ton beau nom

Ne m’étonne.

 

Le verre de politesse

  

 

  Dans un verre bancal et dépoli, verser au ras du bord un breuvage blanchâtre, visqueux et saumâtre.

 

     En renverser quelques gouttes sur un plateau délabré, d’aspect douteux et de teinte caca d’oie. Laisser sécher les taches ainsi obtenues jusqu’à l’état poisseux.

 

     Y plaquer alors le verre en exerçant dessus une légère pression afin de l’aider à adhérer. Puis tendre le tout, en le faisant ostensiblement tinter faux, à l’individu qui vous est le plus antipathique et lui sourire hypocritement.

 

     Pour offrir un verre de politesse :

 

                                  Faites exactement l’inverse.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le participe passé

 

Le participe passé,

Sa règle, vois tu, pour moi,

Aujourd’hui c’est du passé.

Mais le remord d’avoir péché

M’a poussé à me dépêcher

sur ma grammaire et m’y pencher.

De mes recherches patientes

Ressort la conclusion suivante :

 

Dans la vie quotidienne

Il arrive qu’il advienne

Au participe passé

Quelques ennuis de santé.

Mais soigné assez tôt

Il s’en remet bientôt.

 

De source autorisée

Je tiens qu’il est souvent

Intimement lié

A un pronom courant

Ou à un nom commun

Pas toujours singulier.

Mais c’est son droit enfin !

 

Des auxiliaires parfois

Avec lui collaborent,

Tels que être, ma foi,

Ou avoir, je crains fort.

Hors ceux là point d’affaire.

A chacun ses auxiliaires,

N’est ce pas ?

 

L’analyse statistique

M’a permis, et je m’en pique,

De bien déterminer

La lettre terminale

Du participe passé.

Trois groupes apparaissent

Qui ci-dessous se pressent.

 

« é » conclue le premier.

C’est ainsi que

« fut brisée la brise »

(à ne pas confondre

Avec rosa la rose).

 

« i » finit le second

Voici pourquoi

« la salle est salie ».

 

« u, s, t », somme toute

Des participes passé

Du troisième groupe

Sont la terminaison.

Par exemple :

« la teinte est éteinte

Mais a tout de même déteint ».

 

Afin de m’entraîner

Sans user d’artifice,

J’ai effectué

Un petit exercice.

 

Je prends la mouche,

La mouche est bien attrapée.

Je prends la poudre d’escampette,

La poudre est détrempée.

Le coiffeur a peigné la girafe.

Donc la girafe que le coiffeur

A peignée

S’ébroue et se décoiffe.

Tant de peine au service de l’art

Pour une œuvre détruite sur un coup de tête !

 

Tout le secret en somme,

Consiste, ou j’’abandonne,

A se bien rappeler

Que le participe passé

Quand il côtoie le verbe avoir

Ne saurait point avoir d’espoir

De s’accorder avec le nom

Qu’il qualifie

Si ce dernier

N’est placé

Avant lui.